La petite fille sur la banquise d’Adélaïde Bon


Editions Le livre de poche – 246 pages
Littérature française

Quand ses parents la trouvent en pleurs, mutique, Adélaïde ignore ce qui lui est arrivé. Ils l’emmènent au commissariat. Elle grandit sans rien laisser paraître, adolescente puis jeune femme enjouée. Des années de souffrance, de solitude, de combat. Vingt ans après, elle reçoit un appel de la brigade des mineurs. Une enquêtrice a rouvert l’affaire dite de l’électricien, classée, et l’ADN désigne un cambrioleur bien connu des services de police. On lui attribue 72 victimes mineures de 1983 à 2003, plus les centaines de petites filles qui n’ont pas pu déposer plainte.

MON AVIS :

C’est un récit très dur, intimement traumatisant et infiniment bouleversant que celui que nous raconte Adélaïde Bon dans son premier roman. Son destin tragique mêlé à celui de Giovanni Costa, dit l’électricien, est autant celui de la perte de l’innocence que de la douleur de l’avancée dans l’âge adulte. Ici, elle décrit avec beaucoup de réalisme et de courage, la vie de l’après traumatisme, l’histoire d’une vie gâchée par la violence d’un homme, ses efforts constants pour survivre aux méduses qui étendent ses tentacules dans tout son être. Mais elle nous parle aussi et surtout de ce qui se passe pour la victime dans ces circonstances : la sidération, la dissociation.. Autant de situations qu’elle a vécu, mal être du corps et de l’esprit, dévastation des sens, absence de foi en l’avenir… Une gradation de la souffrance qui se solidifie au fur et à mesure des pages jusqu’à devenir une muraille autour de son corps et de son coeur.
Beaucoup de souffrances mais une farouche volonté de s’en sortir, de comprendre. Adélaïde Bon est une jeune femme issue d’une famille aimante, compréhensive, attentive. Pourtant, le choc est trop grand, elle reflue le traumatisme, l’enferme à double tour alors qu’il ne fait que s’échapper par tous les pores de sa peau.
La petite fille sur la banquise n’en peut plus d’attendre qu’on vienne la réchauffer, qu’on l’ignore. Alors elle se manifeste, s’impose, à elle comme à nous.
Au choc, trop grand pour les épaules d’une petite fille, s’associe heureusement la bienveillance d’une psychiatre spécialisée, l’appel salvateur d’un inspecteur de police zélé, l’entraide généreuse d’une avocate sensibilisée.
Cette histoire est celle d’un parcours, celui d’une petite fille parmi les ombres autant que celui d’une femme qui réclame justice. C’est aussi la voix de toutes celles qui ne parviennent pas à faire entendre la leur, parce que la souffrance les fait taire et les domine.
Un récit très intime, dérangeant, percutant où se dévoile l’urgence de l’écriture, l’horreur des faits, la douleur de la confrontation, les failles humaines, l’impression d’une lumière qui perce les nuages.
Un récit qui s’ajoute malheureusement aux nombreux autres qui traitent de ce thème mais qui décrit avec une précision presque chirurgicale les souffrances causées par ce traumatisme. Un premier roman intime et d’une grande violence, écrit à la troisième personne du singulier, comme une ultime distanciation grâce à l’écriture.
Une gifle au visage du lecteur, l’obligeant malgré l’horreur, à regarder la noirceur en face mais une oeuvre nécessaire pour inverser l’emprise, délivrer les mots, entendre la souffrance.

Elle souffre de son isolement forcé et de son manque de sincérité en famille, mais elle ne sait pas franchir l’océan de larmes contenues. Elle est épuisée de se porter, d’endosser chaque matin ce corps qui pend sur son lit comme sur un cintre, de se hisser seule au bout de chaque journée et de s’endormir chaque soir avec l’angoisse du temps qui passe, vite, et qui ne l’attendra pas.

2 réflexions sur “La petite fille sur la banquise d’Adélaïde Bon

  1. On sent bien dans ta chronique toute la douleur tue. Je ne suis pas sûre d’avoir envie de lire ce genre de livre en ce moment.
    PS : je n’oublie pas pour la PAL mais je manque cruellement de temps !! Bises

    • Et une douleur qui tue également.. C’est un vrai récit sur l’après crime. On n’est pas du tout dans le pathos mais on réalise vraiment comment ce traumatisme empoisonne la vie et tue à petit feu. C’est très fort !
      Pour la PAL, ne t’inquiète pas, je ne suis moi même pas très disponible en ce moment… Peut-être cet été ? Ou quand tu auras du temps.. Ma PAL a encore grossit ces derniers jours, elle est obèse, on devrait bien trouvé de quoi faire une LC sympa 🙂 Biz biz

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