Le tort du soldat de Erri De Luca

Le tort du soldat

Editions Folio – 88 pages
Littérature italienne

Un vieux criminel de guerre et sa fille dînent dans une auberge au milieu des Dolomites et se retrouvent à la table voisine de celle du narrateur, qui travaille sur une de ses traductions du yiddish. En deux récits juxtaposés, comme les deux tables de ce restaurant de montagne, Erri De Luca évoque son amour pour la langue et la littérature yiddish, puis, par la voix de la femme, l’existence d’un homme sans remords, qui considère que son seul tort est d’avoir perdu la guerre.

MON AVIS :

Première découverte des écrits de Erri de Luca avec Le tort du soldat. A travers une écriture fluide et cadencée, l’auteur aborde plusieurs points de vue : celui du narrateur bien sûr mais également celui de la fille du soldat, jamais nommée. Ici, ce sont surtout la langue et l’écriture qui sont au coeur de l’histoire. Du point de vue du narrateur, la nécessité de retrouver la langue yiddish, de la prononcer et de la faire vivre comme un témoignage de l’oppression et de la survivance de ses orateurs. De l’autre, un soldat, vu à travers les yeux de sa descendance, qui recherche, dans les mots yiddish sa propre perte et la défaite du nazisme.
Ainsi, de mots en mots, ce sont deux visions opposées de la défaite et de la guerre qui se confrontent. En très peu de pages, et même si l’oeuvre aurait pu gagner en intensité en faisant de ses personnages des êtres attachants et non seulement des témoins, l’auteur parvient à l’essentiel : lire, écrire, prononcer une langue chérie et lier ses personnages grâce à elle. L’ensemble reste ainsi intéressant et a le mérite d’interroger sur ce qui reste de la pensée, des croyances et de l’idéologie après la mort et la défaite. La langue devient alors un refuge et une expérimentation, ce qui donne à ce court roman des allures de petit essai. Une oeuvre délicate bien que violente à sa façon. A découvrir.

De ces années dans le Sud, il avait conservé quelques phrases incompréhensibles pour moi : le dégoût pour le coucher de soleil pourri de Buenos Aires, le soleil en décomposition qui polluait le le ciel. C’était des phrases d’hôte ingrat. Il persistait à dire : « Je n’ai pas été un hôte du Sud, mais un soldat vaincu et poursuivi. Mon tort a été d’être battu. C’est la pure vérité.  » Je ne lui répondais pas, même pas un commentaire.

Je remercie Livraddict et les éditions Folio pour la découverte de cet auteur et de son dernier livre.

20 réflexions sur “Le tort du soldat de Erri De Luca

    • C’est un auteur dont on entend pas mal parler dans les médias du fait de son engagement et de ses condamnations, j’étais curieuse de lire ses écrits pour me rendre compte. Belle journée à toi !

    • Il a effectivement quelque chose, il est court mais en même temps plutôt dense. Cela doit certainement tenir à ses thèmes qui sont multiples et aux points de vues adoptés.

  1. J’ai un de ses anciens livres dans ma PAL, acheté bien avant de savoir ses engagements, je le découvrirai dès que possible mais celui-ci n’a pas l’air mal du tout ! J’en profite pour te souhaiter une belle année 2016 Yuko et je t’embrasse ! 🙂

    • Merci Asphodèle, je t’encourage à découvrir cet auteur si tu le souhaites ^^ belle année à toi, je te souhaite avant tout une bonne santé mais aussi une belle sérénité et beaucoup de (bonnes) découvertes littéraires bien sûr !

  2. Erri de Luca écrit souvent de courts romans … il y a bien longtemps que je n’ai rien lu de lui, tu me donnes des envies !

    • C’était une première pour moi aussi, je ne connaissais l’auteur qu’à travers ses déboires judiciaires. Mais pourquoi pas continuer l’expérience en effet ? 😉

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