Des bleus à l’âme de Françoise Sagan

Des bleus à l'âme
Editions J’ai lu – 124 pages
Littérature française

Deux aristocrates suédois désargentés, Sébastien et Eléonore Van Milhem, frère et soeur, traînent leur mélancolie dans de luxueux appartements parisiens et jouent au quasi-inceste avec innocence… Se pressent autour d’eux Nora, une Américaine aussi riche que mûre, Bruno, jeune premier du cinéma français, Robert, un célèbre imprésario… Sagan prend parti pour l’un ou l’autre de ses personnages, livre ses points de vue sur leur vie et la sienne. Au roman se mêlent ses propres sentiments sur les critiques de ses livres, ce qu’elle pense de sa vie, de son style…

MON AVIS :

C’est tout un monde que l’on retrouve quand on ouvre un livre de Sagan : la passion langoureuse, la mélancolie douce, la nonchalance appuyée. Autant d’images que se plait à évoquer l’auteur, alternant savamment le récit de la vie d’Eleonore et Sébastien et ses réflexions personnelles sur sa vie, ses attentes, ses désillusions. Une oeuvre vraiment à part dans la bibliographie de Sagan de part sa construction inédite mais également parce qu’elle crée une mise en abîme audacieuse : l’écrivain parlant à ses lecteurs de ses personnages puis les accompagnant comme une extension d’elle même.
Plus difficile donc d’entrer dans l’histoire mais impossible néanmoins d’en sortir. C’est tout le talent de Sagan, charmant petit monstre, qui n’aura eu de cesse de surprendre ses lecteurs tout en poussant son talent jusqu’à l’introspection. Une oeuvre à part mais vraiment aboutie dans sa façon de traiter son sujet.

Mais en tout cas, cela ne marche plus et je ne sais même pas si je vais montrer ces pages à mon éditeur. Ce n’est pas de la littérature, ce n’est pas une vraie confession, c’est quelqu’une qui tape à la machine parce qu’elle a peur d’elle-même et de la machine et des matins et des soirs, etc. Et des autres. Ce n’est pas beau, la peur, c’est même honteux et je ne la connaissais pas. Voilà tout. Mais ce « tout » est terrifiant.


Je ne suis pas seule dans mon cas, en ce printemps 71 à Paris. Je n’entends, je ne vois que des gens indécis, effrayés. Peut-être la mort rôde-t-elle autour de nous et nous la pressentons, et nous sommes malheureux pour rien. Car enfin, ce n’est pas là le problème. La mort – je ne parle pas de la maladie – la mort, je la vois de velours, gantée, noire et, en tout cas irrémédiable, absolue.


Le voilà lâché, le mot clef : la solitude. Ce petit lièvre mécanique qu’on lâche sur les cynodromes et derrière lequel se précipitent les grands lévriers de nos passions, de nos amitiés, essoufflés et avides, ce petit lièvre qu’ils ne rattrapent jamais mais qu’ils croient toujours accessible, à force.


Il y a eu énormément de guillemets dans ma vie, si j’y réfléchis, quelques points d’exclamation (la passion), quelques points d’interrogation (la dépression nerveuse) quelques points de suspension (l’insouciance) et enfin là, m’étant envolée vers ce point final qui devait être posé solennellement à la fin de mon manuscrit (que mon éditeur attend avec une impatience flatteuse), me voilà atterrie dans des points de côté, entortillée, langée (à mon âge !) dans des bandes Velpeau dont je me serais facilement passée. Et encore, est-ce bien sûr ?

16 réflexions sur “Des bleus à l’âme de Françoise Sagan

  1. Chaque fois que je lis ou relis un livre de Sagan je suis sous le charme. Celui là je ne l’ai pas lu d’ailleurs … Bises !

    • Je te le conseille, il est un peu particulier dans son approche puisque l’auteur parle à ses lecteurs, de sa vie, tout en mettant en scène ses personnages. C’est très original, je ne me souvenais pas d’avoir déjà lu ça..

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